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LE BLOG DE JACK - Ancien militaire des OPEX (Liban - Kosovo...) et porte-drapeau à l'UFAC des Côtes d'Armor.

05 May

Irak: l'incroyable guerre pour les climatiseurs des Américains.

Publié par jack

Irak: l'incroyable guerre pour les climatiseurs des Américains.

Lorsque les Américains font la guerre, c’est en ambiance climatisée. En Irak, le besoin de climatisateurs réclame des moyens logistiques trop exposés. Le commandement américain découvre alors l’intérêt des énergies durables.

Lorsque l’Amérique fait la guerre, elle importe aussi son climat. ©U.S. Marine Corps / Lance Cpl. Clifton D. Sams

Á mesure que la présence américaine en Irak et en Afghanistan s’installe dans la durée, les coûts de cette présence s’emballent, au point que des tentatives de fortification de Bagdad sont menées, sans autre résultat que des coûts toujours aggravés. La masse de la logistique augmente avec le surge de façon vertigineuse. Les chercheurs militaires réalisent à ce moment que l’eau et le carburant représentent les deux tiers du tonnage des convois en Irak.

Plus le tonnage à transporter est important plus « l’enveloppe » de protection doit, elle aussi, être importante et étendue, sous forme de véhicules blindés, d’hélicoptères et de couverture satellite et de troupes, qui participent à la consommation globale de ressources. Le Pentagone en vient à s’interroger sur l’énormité du dispositif d’aménagement des conditions de vie de ses soldats, amènent ainsi Dan Nolan, consultant en questions d’énergie à déclarer « Quand nous quitterons l’Irak, ce sera le plus énorme transfert de climatiseurs que l’humanité aura jamais connu ». Ce trait d’humour renvoie à une réalité profonde de la présence US en Irak : pour les soldats américains, le climat irakien correspond à un événement climatique extrême permanent, auquel il faut une réponse adaptée afin de maintenir leur aptitude à remplir leur mission.

C’est pour cette raison que le réseau de bases et d’avant postes américain est intégré à un immense réseau de distribution de climatiseurs, ces derniers nécessitant une chaîne logistique ininterrompue de moteurs diesels pour les faire fonctionner, mais aussi de pièces détachées et de carburant. De façon à la fois massive et invisible, les climatiseurs deviennent et constituent un élément fondamental de la présence américaine, en permettant la création et la pérennisation d’un semi-environnement artificiel, une « bulle d’air » dont la température interne est censée permettre aux militaires américains de supporter la chaleur irakienne.

Cette bulle climatique est installée dans les bâtiments, dans les tentes, les centres de commandement opérationnels, mais aussi dans certains véhicules et les soldats font des allers et retours constants entre le climat irakien et leur climat artificialisé grâce aux climatiseurs, immense dispositif technique de soutien à la vie militaire, nécessaire à la santé, au moral, au sommeil, mais aussi à l’identité culturelle, sans doute au même titre que la nourriture et les divertissements comme la musique, les films en DVD et les usages d’internet.

Le maintien de cette « sphère climatisée » nécessite d’immenses quantités de carburant, largement importées, qui nécessitent ces immenses convoi qui, en se déplaçant au sein d’un environnement toujours plus hostile et dangereux, constituent d’énormes cibles mouvantes, d’autant que les routes sont désormais aménagées par les guérillas (locales, baasistes, jihadistes, …) pour devenir des pièges à répétition pour les véhicules américains.

Á partir de 2004, les insurgés irakiens s’approprient en le renversant le principe de la guerre à distance qui a fait le succès des armées américaines durant les premières phases des guerres d’Afghanistan et d’Irak, par la coordination des missiles transportés par avions ou drones, et du guidage laser depuis le sol, et de la précision acquise grâce à la géo localisation satellitaire.

Or, les insurgés adoptent rapidement la technique des « improvised explosive devices » (IEDs), qui sont diffusées sur les routes des convois. Les explosions sont déclenchées à distance par téléphone portable et les violences qui s’ensuivent sont filmées de loin, avant d’être diffusées sur internet, globalisant ainsi le spectacle de l’armée la plus puissante au monde prise au piège grâce à des techniques rudimentaires, astucieuses, qui annulent la supériorité militaire de l’ennemi en refusant tout simplement le contact direct. En plus des pertes en hommes et des coûts en matériel, se surimpose ainsi une nouvelle dimension de « guerre psychologique » menée par les insurgés, qui filment ces attaques et les téléchargent sur internet, où elles sont visibles par tous.

La naissance d’une armée durable

Face à cette réalité opérationnelle et tactique ont lieu de nombreuses expérimentations qui consistent à renforcer l’autonomie des bases et des postes américains, en diffusant l’usage de panneaux photovoltaïques, en améliorant les techniques d’isolation des tentes des soldats, en utilisant mieux les réserves d’eau, faisant ainsi entrer les bases militaires en démarche de développement durable. Ces dernières ont pour finalité la réduction du nombre et de la taille des convois et ainsi de la vulnérabilité logistique US face aux insurgés, qui sont ainsi l’objet d’une offensive « par » le développement durable employé comme offensive asymétrique.

Cette vaste expérimentation, que Thomas Friedman appelle « outgreening Al Qaeda », commence dans la province d’Anbar, à l’initiative d’un commandant qui se lance dans le développement de l’efficacité énergétique des bases de cette région, tant les attaques des convois sont violentes et dangereuses. Puis, d’autres recherches et initiatives viennent renforcer cette tendance. Comme l’écrit dans son rapport le général Zilmer : « Si deux obus de mortier de 155 millimètres enterrés sur le bord de la route peuvent renverser un char Abrams, vous pouvez en renforcer la sûreté par un surcroît de blindage, mais qui ne sera jamais suffisant … La meilleure façon d’éviter un engin explosif improvisé … est de ne pas être là quand il explose. »

Á partir de 2008, le Pentagone soutient fermement cette approche et la multiplication des panneaux photovoltaïques et des éoliennes, couplée à d’importants travaux d’isolation des tentes permettent de diminuer, selon les cas, les coûts associés de transport et de consommation de carburant des générateurs nécessaires aux climatiseurs, qui représentent plus de 80% de la consommation quotidienne de carburant de l’armée américaine en Irak, de 40% à 75%. Avec le retrait d’Irak, ce savoir-faire est lui aussi transféré dans les bases militaires aux États-Unis.

Source: actudefense.

Extrait de :
Guerre et nature : l’amérique se prépare à la guerre du climat
Jean-Michel Valantin
Editions Prisma
Janvier 2013
310 pages

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